L’hépatique, fée romane

Fleur d'Anémone hépatique dans un tapis de feuilles sèches de hêtres en moyenne montagne.

Dès le mois de mars et jusqu’en avril, les sous-bois des monts de Vaucluse, et des Baronnies Sud se jonchent de petites anémones bleues et violettes, discrètes de par leur taille basse et leurs couleurs foncées qui se mêlent aux racines et aux branchages, ou plus haut en altitude, dans les hêtraies, au tapis de feuilles mortes. C’est la très belle anémone hépatique, Hepatica nobilis ou Anemone hepatica.

Anémones hépatiques dans un sous-bois calcaire de moyenne montagne, du sud de la France.

Cette fleur aussi nommée « herbe de la trinité », délicate et superbe de la fin de l’hiver, légèrement velue, s’épanouit rarement seule, formant des petits groupes dans des abris plutôt frais, ombreux.

Hors la saison des fleurs, ses épaisses feuilles vernissées trilobées restent présentes même si leur couleur verte, aux tâches blanchâtres, marbrée de brun, les rendent difficilement visibles.

Ses feuilles à trois lobes, de forme parfaite, semblent être une référence de base (avec le trèfle commun) des artistes, dès à partir du Xe siècle. Je n’ai jamais pu m’empêcher de voir une relation évidente entre elles et le trilobe ou « trèfle » de pierre ou d’orfèvrerie, symbole occidental de la sainte trinité qui orne et pare les façades dans leurs ouvertures, pour les objets du rituel, les bijoux, les cadres en bois enchâssant les peintures … Stylisation de la Nature -LA source de l’art-, évoluée en symbole, les exemples fourmillent à travers les siècles, les civilisations et leurs religions.

Mais la belle anémone hépatique porte aussi un autre symbole de par sa dénomination. Anémone Hépatique, du grec hepar signifiant foie, était utilisée pour… traiter les maladies du foie. Dans la tradition antique grecque et qui a perduré jusqu’à au moins la Renaissance, les plantes ressemblant à un organe – ici un lobe pour un foie – étaient censées le renforcer, ou en cas de maladie en permettre la guérison, par l’absorption de remèdes et potions, par son application sur la peau sur les plaies, sur les points de douleur etc. Je n’ai pas trouvé de recette médicale ancienne s’y rattachant et aujourd’hui seul son nom fait référence à ses propriétés.

On trouve des anémones hépatiques parfois violet pâle, roses, mais rarement blanches. Est-ce lié au sol ? Sur ces deux photos, j’ai trouvé cette hépatique blanche dans la montagne d’Albion, à la frange des Baronnies, dans une vaste hêtraie de moyenne montagne, versant Nord. Sur les autres photos il s’agit de sous-bois calcaires dans les monts de Vaucluse, constitués essentiellement de buis, de genévriers, de pins, et de chênes blancs.

Rencontrer lors de sa marche, les anémones hépatiques, est toujours l’assurance que le printemps est arrivé, ce qui est en soit une joie profonde, mais c’est aussi un petit rendez-vous avec notre mémoire collective, le rappel d’une histoire pas si lointaine où art, spiritualité, maçonnerie et médecine naissaient à une même source : le monde végétal dans lequel nous étions alors plongés, et qui nous permettait de vivre.

photos monts de Vaucluse mars 2023 et montagne d’Albion avril 2024.


Une réponse à “L’hépatique, fée romane”

  1. L’une des plus belles fleurs, par son apparence et la fraîcheur nécessaire dans laquelle elle se réfugie au tout début du printemps…

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