La première fois, il est passé devant moi comme une apparition, le Machaon Papilio machaon, l’un des très grands papillons de France, si magnifique… Je me suis mise à marcher derrière lui le souffle coupé, le plus tranquillement possible pour ne pas l’effrayer au point de le faire fuir, le temps de le shooter autant que je le pouvais !
Huit centimètres d’envergure ne passent pas inaperçus, et d’ailleurs de loin on le prend facilement pour un passereau clair qui passerait souplement sur la surface d’une lande d’arbres en arbres … Son vol est léger et tranquille même lorsqu’il est rapide, comme s’il conservait en toutes circonstances cette élégance naturelle propre aux grands papillons, qui nous le rend facile à suivre, magnétisés par sa beauté féerique.
Papilio machaon, le Machaon, apparaît dès que le printemps est suffisamment installé pour que les fleurs riches en nectars suffisant à repaître d’énergie ces gros papillons, se mettent à surgir, de la plaine jusqu’à 3 000 m. d’altitude, dans des habitats variés du nord au sud. Univoltin, bivoltin ou même trivoltin selon l’altitude et le climat, de février jusqu’à octobre, cela ne le rend pas commun pour autant car en fait la densité de sa population reste faible au-dessus du domaine de reproduction, là où les femelles ont trouvé une plante-hôte robuste adéquate pour y pondre. Les Machaon mâles pratiquent le hilltoping, c’est à dire qu’ils volent plusieurs heures de conserve au-dessus d’un poste élevé. La chrysalide, verte ou beige clair hiverne sur une tige solide, ou une plante ligneuse morte.
La deuxième fois que je l’ai rencontré, deux ans après, Machaon était au même endroit, dans la même prairie sommitale calcaire, mais trois mois plus tôt dans l’année. La même joie profonde m’a envahie en l’apercevant en train de volter sur Valériana juste fleurie pour y puiser le nectar…
C’est un bonheur bien fragile de se tenir au rendez-vous chaque année avec un papillon… l’émotion en est d’autant plus intense à chaque fois, et particulièrement en ces années de grands glissements climatiques et d’incertitudes sur l’avenir. Les papillons, ces beautés légères, leurs fleurs attachées, me paraissent de plus en plus anachroniques dans cette brutalité dominante. Ce sont des êtres vivants rares et précieux et demain, des rêves ?
Photos du Machaon sur le ciste prises le 24 juillet 2023 et du Machaon sur valériana le 26 avril 2025, au Col de la Ligne dans le Vaucluse.