Perdue au cœur des monts de Vaucluse, sans route, sinon le chemin d’origine, se trouve une ferme, dont je ne sais si elle est toujours habitée ou non. Ce dont je suis certaine c’est qu’elle est encore utilisée et entretenue, peut-être par des bergers. On y accède par le ravin de Consarum.
Mais pour y arriver c’est compliqué; le lieu est très sauvage, le chemin serpenteux livré à lui-même, aux arbres, aux intempéries, aux fleurs.
La ferme et ses dépendances sont comme fusionnées à la terre et aux éléments du paysage, blotties au milieu d’arbres magnifiques. Ce superbe mariage de l’habitat humain dans ce milieu presque clos provient des matériaux employés tirés de la montagne même, et de sa présence discrète comme il convient à un habitat dont la fonction est la protection contre les éléments naturels d’une part, et les prédateurs, humains compris, de l’autre.
Après m’en être approchée, j’ai pris en photo ce noyer commun « en couple » avec la bergerie.
Juglans regia, le noyer commun, est un arbre parfaitement adapté à la sécheresse. Difficile à croire quand on voit son opulent feuillage vert, épais et doux, et sa vigueur en plein calcaire méditerranéen ! Sa longévité est importante et on le cultive depuis l’Antiquité pour ses qualités (comme les vastes noyeraies dans la vallée de l’Isère, aussi belles qu’un monument patrimonial) : fruits qu’on récolte à maturité uniquement quand les étés ont été longs et chauds, bois facile à travailler, brou traitant et colorant…
J’ai toujours entendu répéter par mes aïeules qu’il ne faut pas se reposer à l’ombre d’un noyer, ni mettre le berceau d’un enfant pour qu’il dorme dans sa fraîcheur, car son ombre est froide et descend sur la poitrine.
Ce qui est avéré c’est que des champignons (souterrains) associés spécifiquement à ses racines libèrent dans le sol des substances toxiques qui limitent la concurrence proche… Ces substances exacerbées peuvent-elles aussi « repousser » les humains, du moins les enfants, et expliquer ces recommandations séculaires basées sur l’observation ? Peu importe, la sage parole des aïeules suffit, elles ne sont jamais dénuées de fondement.